International | 30 novembre 2023

Erasmus + LT Mobilité à Murcia

Jour 1 : retrouvailles et histoires d’eau

Dimanche 5 novembre

Le plus simple pour aller de Nantes à Murcia n’est pas de passer par Amsterdam – mais ainsi le veut l’obscure logique des compagnies aériennes, KLM en l’occurrence. Poussés par les dernières bourrasques de Domingos, nous voici bien vite arrivés aux Pays-Bas et repartis vers Murcia pour un voyage sans encombre au-dessus des Pyrénées enneigées, de Valence, avant d’atteindre le Grand Bleu d’Alicante. Restauration rapide sous les palmiers du port, bus efficace et Murcia se profile bientôt, où nous attendent familles et partenaires : égarées à Amsterdam, les valises suivront demain sans doute.

Lundi 6 novembre

Les retrouvailles se font sous la forme d’un « speed dating » majuscule, laissant à chacun, face au défilé des partenaires, le temps de se rappeler la mobilité de mai à Wildeshausen, les thématiques du partenariat et d’échanger sur le vécu depuis la rentrée des classes. Un petit tour de chauffe bien utile pour remettre en marche la « machine à parler en anglais », un peu grippée après tant de vacances !

Traditionnelle visite des lieux (immobilier restreint mais grands mouvements d’élèves) puis petite pause comestible : il faudra tenir jusqu’au déjeuner de 15 h, selon la coutume de l’heure espagnole !

Vient le temps sérieux des présentations pour chaque équipe nationale : depuis le mois de mai à Wildeshausen, chacun a travaillé de son côté sur la thématique du partenariat (le développement durable) et plus particulièrement sur l’objectif choisi par l’équipe espagnole : l’eau et son assainissement. Professionnels et organisés, les jeunes Allemand.e.s font un panorama générique sur la question – quand les équipes françaises puis espagnoles focalisent plus précisément sur des sujets propres à leur pays et à leur région. Tourisme, agriculture, désalinisation, gestion de l’eau potable, efforts personnels de sobriété et de gestion durable sont ainsi évoqués et développés autour de diagrammes, résultats de sondages, vidéos et schémas explicatifs. Sans épuiser la ressource, le panorama final est riche et diversifié – témoignant de la prise de conscience des jeunes générations quant à la gestion vitale de l’eau.

Une dernière activité concerne la préparation de la tâche finale que les élèves devront réaliser ici, à Murcia : en équipes transnationales (5 groupes de 9 élèves), il faudra imaginer une prestation (qu’elle soit chantée, filmée, théâtralisée, … à la liberté des participant.e.s) visant à promouvoir la préoccupation écologique et durable. Déjà, les cerveaux affûtés cogitent, les idées germent et la collaboration se met en place : le grand show est prévu pour vendredi !

Demain, il sera question des truffes du désert, de vergers et de roues à eau …

Jour 2 : mycologie espagnole

Mardi 7 novembre

Des truffes dans le désert … qui pourrait y croire ? Et pourtant, la conférence d’un éminent enseignant-chercheur de l’Université de Murcia confirme l’incroyable nouvelle : la synergie entre plantes de surface, sol désertique et truffes permet de gérer la rareté de la ressource en eau dans les régions arides qui cernent la province de Murcia. Et la truffe recèle d’incroyables qualités nutritives et médicales, offrant de réelles promesses à une autre manière d’habiter le monde.

Passionnante de bout en bout, documentée, la conférence a su tenir en éveil les jeunes du partenariat, par une vulgarisation accessible et efficace. Par la grâce de la mycologie, l’invraisemblable devient réalité : il va y avoir du spore.

Quelques dizaines de minutes de bus plus tard, nous voici transportés à Abarán, une petite ville sur les bords de la Segura (la rivière locale), au pied de montagnes arides. Là se trouvent les systèmes d’irrigation imaginés par les Romains et perfectionnés ensuite par les Maures, lors de leur conquête de la péninsule ibérique : les fameuses norias, grandes roues capables d’élever, par la seule force du courant, l’eau précieuse de la rivière vers les espaces cultivés – et le système des canaux, permettant de baigner les cultures en gérant la ressource sans en perdre la moindre goutte. Dans la vallée de la Ricote, fleurissent et produisent généreusement agrumes et plantes maraîchères, faisant un havre de verdure d’une région pourtant menacée de désertification.

Sous la fraîcheur des immenses gommiers bleus (variété de sycomores), au moment du pique-nique convivial, les élèves du partenariat partagent les souvenirs de cette visite rafraîchissante et de la rencontre avec les hôtes du jardin-verger de la grande noria d’Abarán : travailleurs handicapés encadrés par de nombreux soignants et aidants pour créer un très joli petit espace de culture aux mandarines savoureuses et aux citrons reluisants. Là règne le goût du partage et de la convivialité – soit le plaisir de l’échange sans contrepartie. Chacun.e repart avec son citron, un bracelet ou un petit bouquet de lavande, généreusement donnés par les cultivateurs du lieu.

Demain, il sera question de la Manga et de la Mar Menor – ou des effets problématiques du tourisme de masse sur l’écosystème maritime.

 

Jour 3 : Mémoires (en eaux) vives, Mar Menor et Manga

Un peu de fraîcheur le matin, c’est vrai, mais qui pourrait croire que novembre est déjà là quand les bougainvillées sont en fleur et que l’attelage ciel bleu/soleil règne en maître sur Murcia ? Parfois la pensée nous effleure (peu de temps il est vrai) que d’autres, au bord de l’Atlantique, se débattent sous la pluie et le vent …

La première partie de la matinée se déroule dans la grande salle de l’école : réunis en groupes transnationaux aléatoires, les élèves rameutent leurs souvenirs des deux premiers jours : quelles images, quelles préférences, quelles connaissances surgissent quand ils se remémorent les truffes du désert, le verger adapté, les norias de la Ricote et les mandarines des bords de la rivière Segura ? Les cartes mentales récapitulatives s’élaborent, dans les échanges et la coopération – soulignant la beauté des paysages, la fraîcheur des agrumes, la richesse des échanges entre pairs (chanter en espagnol, ça rapproche, non ?) ou avec les travailleurs du verger adapté, les découvertes insolites autour de la truffe ou des systèmes d’irrigation d’Abarán.

En milieu de matinée, les élèves sont conviés, dans l’amphithéâtre, à une conférence sur l’écosystème menacé de la Mar Menor et de la Manga, à quelques dizaines de kilomètres de Murcia. Isabel, active et généreuse bénévole dans une association pour la défense du site naturel de Mar Menor, partage avec humour et émotion sa passion pour un espace exceptionnel, cerné par les activités agricoles et minières polluantes à l’ouest et par les artificialisations galopantes du tourisme à l’est. Les espèces animales rares (hippocampes, anguilles, grandes nacres) risquent de disparaître définitivement ; les températures extrêmes et le manque de profondeur de la lagune créent une eutrophisation favorable à la prolifération des phytoplanctons ; le tourisme débridé et peu respectueux de la nature menace les équilibres fragiles de la Mar Menor. Par sa générosité et son expérience, Isabel s’attache à mobiliser la jeunesse, à la suite des manifestations gigantesques des associations de défense de la nature en 2019 et en 2021 à Murcia et à Cartagena. La Manga sera-t-elle sauvée ? L’activisme des défenseurs de la nature sera-t-il efficace auprès des autorités gouvernementales espagnoles et jusqu’au Parlement européen ? Rien n’est sûr encore, mais le combat continue.

La dernière activité du jour consiste en une mise au net des problématiques concernant l’eau, telles que les présentations des groupes nationaux les ont fait apparaître, lors des sessions du premier jour. Peu à peu, le grand tableau accroché dans la salle se construit autour des dangers, menaces et risques – et des solutions préconisées dans chaque pays, et finalement convergentes. Des gouttes d’eau dans un désert (de truffes) diront les sceptiques. Et pourtant … on peut souhaiter que ces petits rios (ramblas disent les habitant.e.s de la Manga) créent un courant suffisamment fort pour entraîner à sa suite une jeunesse confrontée aux désastres écologiques d’une anthropisation peu soucieuse des équilibres de la nature.

Demain, nous irons voir comment, à Alicante, on désalinise l’eau de mer – et à San Pedro, comment se portent la Manga et la Mar Menor.

 

Jour 4 : en route vers l’univers sel

Jeudi 9 novembre

Après la longue journée de travail à l’école Miguel de Cervantès hier, une journée à l’air libre se profile dès ce matin : en bus pour Alicante, avant d’ouvrir définitivement les horizons sur la lagune de la Manga, à San Pedro, puis sur la Méditerranée, notre bonne mer.

A la sortie d’Alicante, juste avant l’aéroport, deux bâtiments abritent les installations des usines de désalinisation de l’eau de mer, construites en 2003 et 2008 afin d’approvisionner en eau potable la ville d’Alicante et sa voisine Elche. Le process industriel est d’abord expliqué par Juan Carlos Gonzales, manager de la production du site, à partir de schémas simples mais efficaces, qui rejoignent en partie des notions enseignées dans les programmes du bac STL : la technique d’osmose inversée est au cœur du dispositif. L’eau de mer est pompée à proximité de l’usine, elle est ensuite filtrée de son sable et de ses éléments plus fins ; portée à une forte pression, elle traverse des membranes qui retiennent le sel et permettent de l’adoucir entièrement. Imbuvable en l’état, il faut enfin reminéraliser cette eau décidément bien trop plate pour qu’elle soit propre à la consommation.

La visite des installations suit cet exposé théorique : outre la taille impressionnante des machines et des conduites, ce qui frappe le plus, c’est le vacarme intense des moteurs, indispensables à la réalisation de la désalinisation. Pour atteindre la pression de 65 bars nécessaire à l’osmose inversée, l’énergie électrique est indispensable et constitue l’élément principal du coût de cette entreprise. Et le faible rendement de l’ensemble (moins de 50 % de l’eau de mer traitée est dessalée), ajouté au problème de l’impact environnemental de l’eau rejetée (elle atteint une concentration de sel largement supérieure à la normale) laisse quelques incertitudes sur l’intérêt écologique de l’opération.

Après Alicante, cap sur Mar Menor et la Manga. La route traverse de nombreuses zones d’agriculture – pas encore la mer de plastique, mais on en approche. Partout, les ramblas (rivières descendant des montagnes vers la mer) sont à sec – et nos collègues espagnoles sont bien en peine de se souvenir de la dernière pluie efficace … A San Pedro règne une atmosphère de fin de saison. Quelques touristes fréquentent encore les restaurants et les bars – ou bien achèvent leur ultime session de bronzage sur une plage de sable fin impeccablement ratissée. En face, le cordon fermant la lagune se profile, hérissé de ses nombreux immeubles à vocation touristique. La promenade est agréable, entre les palmiers de la voie principale et les étangs des salines, où flamants roses et autres échassiers déambulent paisiblement.

Un peu plus tard dans l’après-midi, le groupe rejoint une longue plage sur la Méditerranée, par une dune très protégée des piétinements : les lieux sont fragiles et pour échapper encore au tourisme de masse, il faut en baliser soigneusement les accès. Au bord de l’eau, la lumière est magnifique, la température exquise et le calme … relatif, entre les évolutions bruyantes et fumeuses des avions de la patrouille acrobatique espagnole à l’entraînement et les parades joyeuses des élèves du partenariat, en quête de la photo inoubliable sur un fond de mer paradisiaque.

Cette échappée automnale a sans nul doute permis aux élèves de prendre conscience des enjeux de la protection de l’environnement : à l’interface entre terre et mer, les besoins vitaux de l’humain (une eau utilisable et saine) et ses désirs de bien-être et de divertissement (la mer, la plage, des infrastructures confortables) se heurtent à une nature fragile et souvent menacée par l’insatiable appétit de conquête de l’humanité.

Comme l’univers sel, l’universel requiert l’osmose.

 

Jour 5 : à Murcia, sur la question de l’eau, le courant est passé

Vendredi 10 novembre

La deuxième mobilité du partenariat Erasmus + LT s’est terminée ce vendredi à Murcia.

Remarquablement organisée par nos collègues espagnoles Almudena, Monica et Remedios, elle a incontestablement atteint les objectifs d’un tel projet, nourri des valeurs européennes : création et renforcement de liens entre les participant.e.s (jeunes comme adultes), découverte d’une région et de ses particularités culturelles, historiques et sociales (au travers du thème du développement durable et particulièrement de la ressource en eau), collaboration active autour d’activités de recherche et d’échanges (débats, créations communes, synthèses des apprentissages).

Après un échange argumenté et précis sur les bienfaits et les risques de la production d’eau douce par dessalement d’eau de mer, suite à la visite de l’usine d’Alicante, le premier temps fort du jour a consisté en une présentation des créations effectuées en groupes mixtes, pour sensibiliser à un usage respectueux et sobre de l’eau. En quelques heures, les élèves ont réussi à produire des scénarios, des récits, des fictions – souvent drôles, mais toujours empreintes de messages forts sur ce sujet crucial des sociétés modernes. Beaucoup n’ont pas hésité à se jeter … à l’eau, pour incarner telle ou telle situation, capable de captiver les spectateurs. Beaucoup ont même eu le temps d’ajouter un « making-of » à leur vidéo, témoignant de la bonne humeur contagieuse et du plaisir de la collaboration.

L’évaluation finale de cette semaine de mobilité a clôturé le temps des échanges et des débats. Incontestablement, le ressenti des élèves est très positif. Si les conférences, intégralement en anglais et sur des sujets parfois assez exigeants, ont pu paraître difficiles à quelques-un.e.s, les activités proposées dans la semaine ont été vécues avec intensité et grand intérêt. Les élèves ont également vraiment apprécié l’accueil dans les familles de leurs partenaires espagnol.e.s et la convivialité des échanges : au quotidien dans les activités et les visites, mais aussi dans les temps libres des fins de journée, manifestement bien remplis. Jamais le repli dans les groupes nationaux ou dans la solitude des écrans n’a prévalu sur le contact avec les jeunes des autres nationalités : jouer au football, chanter ensemble, se retrouver pour manger, partager les bonnes blagues et les anecdotes croustillantes … la semaine n’a fait que renforcer des liens déjà bien établis lors des visioconférences initiales, lors du séjour à Wildeshausen et dans les échanges constants par les réseaux.

La dernière partie du partenariat s’annonce donc passionnante, à La Roche sur Yon, en avril : le programme sera chargé, autour de l’ODD « Villes et communautés durables » mais pratiquer la bicyclette ensemble, à l’île d’Yeu comme dans vallée de l’Yon, voilà qui doit s(c)eller les liens et la coopération – et faire briller le projet de tous ses raYons.